mardi 30 juillet 2013

Into the wild

Je vous avais laissé lors de mon dernier article à une terrasse de bar en train de siroter une bière, ce sera ici que nos routes se sépareront avec Brendon et que nous rencontrerons Gwen, une canadienne souhaitant rallier Darwin avec nous.

C'est donc la voiture un poil moins encombré que nous reprendrons la route afin de rallier la prochaine étape, le Karijini National Park, 600km (seulement !) plus loin. Nous y retrouverons Tonny, avec qui nous avions déjà partagé la route après Perth, ainsi que Cédric et Fannie, un des couples de français rencontrée lors de la plongée avec les requins-baleines à Exmouth.

Déjà en manque de contact aquatique après seulement 24h passés dans la voiture, nous commencerons l'exploration de ce gigantesque parc national par la découverte des gorges présentes juste à côté du terrain de camping. L'occasion de découvrir au fond du canyon un spot idéal de baignade et/ou douche publique, en l'occurrence les deux pour nous. 

J'ai perdu l'habitude de dire ça depuis plusieurs mois maintenant, mais... elle est fraîche !
Une fois rafraîchis et décrassés (suffisamment selon nos standards tout du moins), nous continuerons notre marche au fond du canyon, qui sera une nouvelle fois l'occasion d'apprécier les sentiers australiens. Point de chemin bétonné ou autres hideuses rambardes en vue, seulement des marqueurs s'intégrant parfaitement dans le paysage, et un sentier, même s'il est occasionnellement aménagé par l'homme, restant toujours en totale harmonie avec le paysage environnant.






Histoire de diversifier quelque peu notre exploration de gorges, nous mettrons au programme l'ascension du Mont Bruce, plus longue randonnée disponible au sein du parc. C'est une autre particularité des parcs australiens d'ailleurs, il est en général assez difficile de trouver des parcours dépassant la dizaine de kilomètres malgré l'immensité de ces derniers. Conseil utile également si jamais vous décidez de vous rendre en Oz : retrancher entre 30 et 60% sur les temps annoncés pour réaliser les randos, même en gardant un rythme assez tranquille. Je les soupçonne secrètement de définir leur temps de référence avec une personne sautant à cloche-pieds, tractant une poussette de jumeaux et chargé de finir 8 grilles de sudoku (niveau difficile), explication la plus plausible à mes yeux !

Arrivée au sommet quelques heures plus tard, les 1234m ne font pas très impressionnant sur le papier, mais c'est suffisant pour dominer les environs et avoir une belle vue dégagée tout autour.


Même pas peur !
La team de champion au sommet, sous un vent soufflant approximativement à 642 km/h
Nous conclurons ce séjour Karijinesque par une soirée autour de verres de vin, à défaut d'avoir le droit d'allumer un feu à l'intérieur du parc, on se réchauffe comme on peut ! Nous apprécierons donc ce fameux vin australien mondialement réputé, que les producteurs français jalousent... Ah pardon, on me souffle dans l'oreillette qu'il s'agit en réalité d'un infâme vinaigre, plus bas prix disponible au liquor store, 21$ les 2.5 litres, la bonne affaire !

Tonny, Gwen, moi & Gayle, en mode feuille d'érable peinte sur le visage en ce Canada day

Sur les bons conseils de Tonny, que je ne remercierai jamais assez d'avoir partagé avec nous ce lieu secret, nous nous dirigerons ensuite vers la ville fantôme de Wittenoom, située non loin de là. Cette ancienne ville minière a été désertée en 1966, seuls quelques irréductibles gaulois y vivent encore actuellement, sans eau courante ni électricité, le gouvernement ayant coupé l'accès à ces services il y a fort longtemps. La ville a même été effacée des signes routiers environnants ainsi que des cartes routières !

Nous laisserons la voiture de Gayle au sein de la ghost town pour embarquer tous les quatre dans le 4x4 de Tonny, que j'aurai le privilège de conduire. Au programme : conduite sur une route abandonné depuis près de 50 ans, autrement dit... Pas vraiment une route !

Le ton est donné !

Je mettrais près de 30 minutes à parcourir les 8km séparant Wittenoom du petit bout du monde reculée vers lequel nous nous rendons. Les nombreuses traversées de rivière, immenses cratères au milieu de la "chaussée" et autres rocs de plusieurs centaines de kilos s'étant effondrés sur la route n'aideront pas à améliorer ma vitesse moyenne.

Difficile de décrire à quel point nous sommes au milieu de nulle part une fois notre destination atteinte. Nous pensions à cet instant planter la tente seulement pour une seule nuitée, naïfs que nous étions...

Mais laissez-moi vous faire le tour du propriétaire :

Le salon, la chambre à l'arrière plan
La piscine privative
La cuisine
Le jardin
Le jardin des voisins
Tel Christopher McCandless dans son bus magique, nous passerons nos journées dans ce lieu reclus, complètement déconnecté du monde qui continue de tourner sans nous. Aucune couverture réseau à près d'une centaine de kilomètres à la ronde, aucun contact possible avec l'extérieur en moins de 2h de route, aucune personne ne sachant où je suis en ce moment. Seule la subvention de nos besoins occupera nos journées.

Ces derniers prendront une toute autre dimension devant l'absence d'outils que nous étions tellement habitués à utiliser quotidiennement. Des automatismes se mettront petit à petit en place et il sera très vite tout à fait naturel d'utiliser le sommier de lit que nous avons trouvé à quelques encablures du camp pour faire bouillir l'eau du thé, tout comme se doucher chaque matin dans les eaux turquoises poissonneuses et laver la vaisselle/nos habits avec du gravier deviendront la norme.

Ce qui n'entrera jamais dans la norme en revanche, c'est ce jour où nous avons décidé d'explorer les mines abandonnées présentes un peu partout dans les montagnes nous encerclant. Première mission, et non des moindres, trouver une entrée ! Ce sera chose faite après quelques heures de crapahutage au milieu d'une végétation très dense et l'escalade d'un immense éboulis. Nous nous retrouverons donc avec Gwen face à cette ancienne mine, fermée depuis près de 50 ans, dont l'entrée a été scellée mais forcée, probablement par de précédents explorateurs en herbe. Le choix entre rebrousser chemin et partir explorer un dédale souterrain dans lequel d'excitantes potentielles découvertes nous attendent n'en est pas vraiment un, place à l'aventure !



Un cadavre de kangourou ainsi qu'un serpent mort sont là pour nous accueillir dès les premiers mètres, ambiance. Après seulement quelques dizaines de pas, premier coude de la galerie dans laquelle nous progressons, fin de la lumière naturelle. L'ambiance change soudainement, quelque chose de pesant bien qu'indescriptible se ressent.

Une exploration de mine abandonnée, ça ressemble à ça... Essayez juste d'imaginer la poussière, la chaleur et la moiteur ambiante !

Les bifurcations s'enchainent à un rythme assez fou, on y aperçoit quasi systématiquement les marquages des précédents explorateurs
Le Petit Poucet version scotch jaune, les flèches jaunes laissées derrière nous étant notre seul espoir de revoir un jour la lumière du jour...

Après quelques dizaines de minutes passées sous terre, nous nous habituons progressivement à cet environnement pour le moins non-naturel, en partie tout du moins. La sensation d'oppressement est en effet impossible à totalement ignorer, difficile de faire abstraction que des millions de tonnes de roche se trouvent au-dessus de nos têtes, et que la sortie est loin, très loin derrière nous... Derrière, ou devant, ou autre part d'ailleurs, les nombreux changements de direction ayant eu raison de mon sens de l'orientation pourtant plutôt bon en temps normal.


La sortie, c'est par là... Enfin, c'était par là tout du moins !
La soif de découverte est de plus en plus grande au fur et à mesure que nous nous enfonçons plus profondément dans la mine, les objets abandonnés étant de plus en plus nombreux. Nous ferons la découverte de caisses d'explosifs, de mugs laissés sur une table tenant encore miraculeusement debout, ou encore d'anciennes "fiches de mineur", dont j'emporterais quelques exemplaires en guise de souvenir.


Le probable ancien centre de commandement d'après les vieux documents que nous y avons trouvés
Le temps passera malheureusement bien vite et après une quarantaine de minutes passés sous terre, nous déciderons de rebrousser chemin afin de ne pas faire inquiéter Gayle et Tonny qui nous attendent à l'extérieur. Si vous me connaissez suffisamment bien, vous avez probablement remarqué que quelque chose clochait dans la dernière phrase, et vous aurez donc prit soin de remplacer "nous déciderons" par "Gwen m'a fortement incité à".

En route vers la sortie, je me ferai intérieurement la promesse de revenir mieux équipé afin de découvrir les dizaines de galeries laissées inexplorées, je ne quitterai pas Wittenoom avant d'avoir accompli cette tâche !

Mais pour l'heure une autre mission nous attend, mission de taille puisque... Nous devons aller faire des courses ! Cela se traduit donc par 6h de route aller/retour jusqu'au supermarché le plus proche, à 2$ le litre d'essence au milieu de l'Outback autant vous dire qu'il va falloir rentabiliser le voyage.

Nous nous arrêterons en route afin de mieux explorer la ville de Wittenoom en elle-même, notamment cette vielle église où la végétation a commencée à reprendre ses droits.


J'aurais bien joué la sonate au clair de la lune, mais pas sur qu'il soit accordé...

Cet aliment de nature totalement inconnue est plus jeune que moi... Mais de peu !

La première moitié du ravitaillement
De retour au camp, nous prenons la décision de rester quelques jours supplémentaires ici avant de poursuivre notre route vers Darwin. C'est donc décidé, je retourne dans la mine demain !

Gwen n'est pas plus emballée que ça à l'idée de retourner s'enterrer sous une montagne, c'est donc seul que je vivrais cette nouvelle incursion souterraine. Challenge du jour : cartographier l'intégralité de la mine ! Objectif secondaire : revenir vivant, dans le délai maximum de 3 heures que je fixerai à mes camarades. Passé ce délai, que sont-il chargés de faire ? Pas grand chose à vrai dire, vu que j'ai en ma possession toutes les sources lumineuses du campement.

Rouleau de scotch, lampe frontale, torche, iPhone (ma troisième source lumineuse d'urgence que j'espère ne pas avoir à utiliser), fromage (très important), pommes, 3 litres d'eau, carnet & stylo, appareil photo, je crois que je suis fin prêt !

À peine le temps de me demander qu'est-ce que je suis en train de faire lors du trajet ralliant l'entrée de la mine que je me retrouve à nouveau face à ce tunnel s'enfonçant dans les profondeurs de la roche. Même galerie, même obscurité, mais le ressenti est totalement différent en solitaire. La sensation pesante et oppressante que j'avais éprouvé la dernière fois est beaucoup plus forte, et surtout, elle ne s'estompe pas vraiment au fil du temps comme cela avait été le cas.






Une mine, c'est comme une boite de chocolats : on ne sait jamais sur quoi on va tomber au bout de la prochaine galerie ! Absolument tout est possible : tunnel inondé d'une eau tantôt noirâtre, tantôt bleuâtre, chaleur intense m'obligeant à rebrousser chemin, voie sans issue, éboulis, découverte d'objets en tout genre tels des pelles, des casques de mineurs, des bouteilles d'antiseptiques datant de 55 ans, des chariots encore sur leurs rails, des ventilateurs de plusieurs mètres de diamètres dans lesquels je ramperais afin de passer au travers...




Ce genre d'éboulis est ma véritable source d'angoisse, la seule qui reste même dans les moments où j'arrive à rationaliser la situation et à me dire que non, une attaque de zombies ne va pas avoir lieu à la prochaine intersection. Enfin, si je reste bloqué, au moins j'ai du fromage !




Ma cartographie avance, et j'ai l'impression au fil du temps de vraiment comprendre comment la mine a été construite. J'arrive désormais à savoir si un tunnel est une galerie annexe ou un axe principal, à prédire quand une galerie va s'arrêter en fonction de l'humidité ambiante et du niveau de suintement des parois. Je comprends également à peu près où je me situe, je retombe parfois sur des chemins déjà explorés. C'est à la fois rassurant de retourner en terre connue, et inquiétant d'avoir l'impression de tourner en rond.



Cela fait près de deux heures trente que je suis dans l'obscurité totale, à un point tellement profond dans la mine que ça commence à en devenir affolant. Un simple coup d'oeil à ma carte, qui s'étale sur plusieurs pages désormais, me fait réaliser que plusieurs dizaines d'intersections marqués de mes flèches jaunes me séparent de la sortie. Celles-ci sont réparties sur plusieurs niveaux verticaux, et représentent plusieurs kilomètres de marche.

Autant quelques marquages dataient de 2010 vers l'entrée de la mine, autant ici ça commence à dater... Quelqu'un est venu ici la veille de ta naissance M'man !

Soudain, alors que je m'apprêtais à contre-coeur à faire demi-tour afin de retourner au camp dans les temps (du moins, pas trop en retard), survient un évènement qui va me terrifier au plus haut point... Là, derrière cet énième intersection d'apparence tout aussi banale que les autres, se trouve quelqu'un m'éclairant de pleine face avec sa lampe !!! J'hurlerai l'intégralité de l'air disponible dans mes poumons pendant plusieurs secondes, laisserai tomber ma lampe au sol, complètement figé... Avant de me rendre compte qu'il s'agit d'une sortie ! Au bout de ce tunnel se trouve le graal tant espéré, une sortie de l'autre côté de la montagne !

La fameuse source lumineuse source de tant de frayeur (bien plus éblouissante en vrai !)

Une fois la peur remplacée par un profond sentiment de joie, je me dirigerai d'un pas décidé vers ce petit entrebâillement me permettant enfin de rallier le monde extérieur ! Les rayons du soleil éblouissent mes yeux habitués à l'obscurité, l'air frais envahit mes poumons, y chassant l'air poussiéreux, qu'est-ce que c'est bon !

De retour au camp, je partagerai mes anecdotes et aventures - bien trop nombreuses pour être toutes racontées ici - avec mes compagnons autour d'un verre de vin.

Il sera ensuite malheureusement temps, après une semaine complète déconnecté de la vie réelle, de se remettre en route vers le nord, sans Tonny que nous quitterons ici.


Broome, un contraste saisissant après avoir survécu à l'enfer souterrain

Broome, célèbre pour ses ballades de chameaux au bord de la plage lors du coucher de soleil. Pas trop ma tasse de thé de payer pour faire du chameau à la queue-leu-leu ceci dit !

Les kilomètres se suivent et ne se ressemblent pas. Nous avalerons la route à une vitesse assez folle, ayant perdu le pot d'échappement et souhaitant donc rallier Darwin le plus rapidement possible tant que la voiture fonctionne encore !



1, 2, 3... 4 remorques ! 86 roues, 200 tonnes, 50m de long, Road Train made in Australia !

Fait amusant, la circulation est tellement inexistante que personne n'a prit la peine de faire des ponts à deux voies. Une seule voie, aucun panneau de signalisation, priorité au plus gros et plus rapide des deux arrivants donc !


130 km/h sur une route nationale, le retour en France va être difficile !

Outre le fait que nous sommes désormais autorisés à voyager en vitesse lumière sur le réseau routier, l'autre fait marquant qui prouve que nous avons délaissé le Western Australia pour le Northern Territory est la présence de crocodiles un peu partout !

Bon, je n'ai vu que le panneau pour l'instant... Mais patience !

Light painting (je commence à y prendre goût décidément) sous un ciel étoilé

Darwin, enfin ! Comme chaque ville marquant une sorte d'étape entre deux road trips, j'attendais de cette dernière une plage au bord de l'océan, un B&B sympa ou me reposer et goûter aux joies du confort moderne, et des bars afin d'assouvir le fantasme de mon foie quémandant désespérément autre chose que du vin bas de gamme.

Si les soirées avec Gayle et Gwen satisferont mon attente du dernier point, je dois dire que je suis pour le reste quelque peu déçu... La ville est complètement surpeuplée en cette haute saison, même les backpacks pratiquant des tarifs exorbitant sont tous complets...

Gayle logeant chez une amie, nous nous retrouverons donc à partager une tente avec Gwen, dans un camping situé à 10 bornes du centre ville, pour la modique somme de 50$ par nuit...

Deux faits marquants seulement seront à retenir ici :

- La réservation de mon billet d'avion pour Bali moins de 48h après mon arrivée
- Et le deuxième... :


Seul regret, ne pas l'avoir acheté avant, mais je vais tout faire pour me rattraper !

See you in Indonesia guys !


2 commentaires:

  1. Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.

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  2. Super récit, quel talent ;)
    Un peu fofolle l'aventure dans la mine, façon Indy...
    Quant au pinard et aux boites de conserve du supermarché, ça donne super envie. Vraiment.

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