vendredi 16 novembre 2018

Viva Colombia


Janvier 2016. Comment ça, "article publié le 16 novembre 2018 ?"

Après de nombreux mois, plusieurs pays parcourus et toutes sortes d'aventures partagées ensemble, l'heure sera venue de nous séparer puisque Tristan et Yann repartiront en France pour les fêtes. Stéphane et moi, quant à nous, continuerons notre route au sud, avides de nouvelles contrées à explorer que nous sommes.

Histoire de mieux faire passer la pilule des billets d'avions assez cher dans cette région du monde, j'arriverai à dégoter deux allers simples avec escale à Curaçao moins cher qu'un aller direct pour la Colombie. À partir du moment où la différence des prix des billets d'avion fait que nous serons virtuellement payés pour aller visiter une île paradisiaque...  Ça ne se refuse pas !

Curaçao, en plus d'être une couleur bleu ayant donné son nom à la liqueur, est en effet également une petite île méconnue au large du Vénézuela. Nous y passerons une petite semaine au milieu d'un curieux mélange culturel et linguistique mixant néerlandais, anglais, espagnol et papiamento, le dialecte local.

Les anecdotes croustillantes à vous conter seront bien peu nombreuses, nous passerons en effet le plus clair de notre temps à manger des clubs sandwichs ainsi qu'à écumer le casino local.

La panse et le portefeuille bien remplis, nous nous envolerons bien rapidement vers la Colombie, plus précisémment à Barranquilla, pays dont mes attentes sont à vrai dire assez élevées, la faute aux nombreux retour positifs m'étant parvenus. 



Willemstad, capitale de Curaçao (vous le saurez si jamais vous participez un jour à Question pour un Champion)


J'avais déjà évoqué lors de mes précédents billets le rapport au voyage, différent selon qu'on le vive seul, en couple ou entre amis. Après une année passée à voyager entre potes et près du triple à voyager en solo auparavant, et comme j'aime bien les listes, j'avais envie de dresser un petit bilan du voyage en groupe :

+ Tout d'abord le plus évident : partage de souvenirs ensemble, quotidien agréable avec ses potes, pas de longs moments seul à attendre un bus pendant 4 heures, etc...
+ Facilité financière : location d'appartement en colocation en général beaucoup moins onéreuse, location de voiture en groupe souvent moins chère qu'un achat de billets de bus individuels et permettant de se déplacer librement.
+ De manière générale je dirais facilité tout court. Forcément plus le groupe est nombreux, plus les compétences de ce dernier seront grandes et diversifiés et plus il sera probable d'avoir un membre parlant la langue locale, à l'aise avec la langue des signes ou sachant réparer une roue crevée avec un tournevis et une boîte de conserve.
+ La sécurité, même si assez marginal vu les pays traversés. Et puis même en groupe, on n'est pas à l'abri d'un racket par les policiers, n'est-ce pas Tristan ?

- Moins de rencontres. Entre le nid douillet que constitue le groupe et de parfaits inconnus, il est normal de moins chercher à socialiser. C'est valable également dans l'autre sens, il est beaucoup moins naturel pour les autres de nous approcher. De manière assez paradoxale je ne me suis jamais autant senti peu seul qu'en voyageant seul.
- Moins de libertés, plus de compromis. Même si l'on voyage logiquement avec des personnes ayant les mêmes goûts et envies que nous, il y aura toujours des sacrifices à faire. C'est une sensation unique que d'être seul, totalement libre. Pouvoir aller où l'on veut, quand on veut, avec qui l'on veut. C'est cet argument que j'évoque à chaque fois que j'essaye d'inciter tout le monde à voyager en solitaire au moins une fois dans sa vie, cette liberté totale est une sensation assez difficile descriptible.
- Moins d'excursions hors de notre zone de confort. On aura plus tendance à laisser la personne maitrisant le mieux la langue du pays interagir avec les locaux et de manière générale à prendre moins d'initiatives. Voyager en groupe est moins dépaysant, synonyme de moins d'expériences fortes qui marquent à vie.


***


Effet de l'herbe toujours plus verte ailleurs ou réelle préférence pour le voyage en solo, toujours est-il que c'est cette dernière option que je privilégierai, Stéphane traçant sa route vers le sud du pays. Et quoi de mieux pour ce faire qu'un petit trek de 4 jours au milieu de la jungle colombienne à la recherche d'une cité perdue !

Point d'aventure en solitaire à la machette tout de même, ce n'est pas mon genre. Il s'agira d'une excursion en groupe avec guide, luxueuses nuits en hamac incluses.


Du vert à perte de vue, des nouvelles contrées à aller découvrir... le pied quoi !



Je ferai bien rapidement la rencontre de Tobias et Jonathan, respectivement suisse et français. Notre amour partagé de l'humour niveau collège ainsi que notre langue maternelle commune nous rapprochera bien vite.

C'est un aspect que j'ai toujours apprécié au sein de ces groupes, le fait d'être ouvert envers les autres, rencontrer des personnalités et cultures différentes tout en partageant une vision globale de la vie assez similaire. Créer des liens est extrêmement facile dans ce contexte. Ces liens sont souvent éphémères et les routes se séparent en général bien vite, mais cela ne rend pas les relations superficielles, au contraire, on échange plus et se concentre plus sur les choses essentielles sachant le temps compté.


Des serpents des mygales, d'autres rencontres amicales... (référence musicale réservée aux connaisseurs)


Lors du second jour de marche, un terrible rugissement viendra briser la monotonie du bruit ambiant de la jungle. Un tigre s'apprêtant à faire des pauvres randonneurs que nous sommes son casse croûte ? Pas vraiment, il s'agira en fait... d'un arbre ! La stupeur initiale passée, nous réaliserons en effet qu'un immense arbre, probablement vieux de plusieurs siècles, vient de mourir et de tomber au sol à quelques centaines de mètres de nous. C'est assez déroutant, venant de France ou la forêt est sous contrôle et où chaque arbre en fin de vie est abattu afin d'être exploité, c'est un phénomène que je n'avais jamais pu observer malgré des milliers d'heures passées en pleine nature.


Après trois jours de marche en pleine jungle, découverte des ruines


Les explorateurs arrivés à bon port

La cité perdue... qui est bel et bien perdue !

La luxuriante végétation entourant la cité

Il y a quand même beaucoup de monde sur le parcours. Si ce n'est pas trop gênant lors des journées de marche, les groupes étant espacés, les quelques camps présent au fil de la route dans lesquels nous passerons nos nuits seront bien remplis.

Si nous avions eu la chance lors de notre première halte d'arriver assez tôt et de dormir dans des lits sommaires mais bienvenus après 7 heures passées à marcher, la deuxième nuit se fera sur des hamacs. Comparé au lit, le hamac se révèlera comment dire... inconfortable.

C'est donc avec une certaine appréhension que lorsque nous arriverons au troisième camp, nous apprendrons qu'il ne reste pas assez de lits pour l'ensemble du groupe. Une fois n'est pas coutume, la destinée de deux êtres humains sera remise entre les mains du grand dieu Shifumi. Ce sera entre Tobias et moi. Deux hommes, un lit. Une bonne nuit de repos après plus de trois jours à crapahuter dans la jungle ou une interminable nuit à se retourner sans cesse dans un hamac de fortune.

Shi... fu... mi !
- Ciseau
- Ciseau

Shi... fu... mi !
- Ciseau
- Ciseau

Shi... fu... mi !
- Papier
- Papier

La pression devient insoutenable. On sent que le verdict est à la fois attendu et redouté des deux côtés.

Shi... fu... mi !
- Pierre
- Pierre

Shi... fu... mi !
- Papier
- Papier

Shi... fu... mi !
- Pierre
- Pierre

Shi... fu... mi !
- Papier
- Papier

La foule est en délire. C'est du jamais vu dans l'histoire du Shifumi.

Shi... fu... mi !
- Pierre
- Ciseau

Victoire ! Après onze occurrences de Shifumi. Oui... ONZE ! Une nuit entière sur mon douillet matelas m'attend pour me refaire le film de cette délirante victoire.





Une fois cette mise en jambes digérée, nous déciderons de continuer la route ensemble avec Tobias, malgré notre passé shifumiesque. Notre prochaine escale se fera à Carthagène.


Ils sont gentils tous ces gens de se tenir à l'écart de cette jolie place ensoleillée pour me laisser prendre ma photo... À moins qu'ils ne fuient le plombant soleil de Carthagène et ses 41°C ?

Jolie rue colorée typique du centre colonial

Vue depuis le fort de San Felipe de Barajas, où l'on voit le vieux Carthagène cohabiter avec de récents buildings

Plus au sud, Medellin, dont j'avais eu de nombreux échos avant même d'y poser les pieds. Beaucoup d'expatriés européens et américains s'y sont installés. En plus du cadre de vie agréable, de la facilité de s'installer là-bas et d'y trouver tout ce dont un expatrié a besoin, il y a un paramètre qui a son importance en Colombie... La ville est en effet perchée aux alentours des 2000m, ce qui permet d'abaisser d'une bonne dizaine de degrés les températures brûlantes sévissant dans la majorité du pays. Les 28-30°C qui y règnent à longueur d'année lui ont valu le justifié surnom de ville du printemps éternel.

Malgré toutes ces promesses, je serai plutôt déçu du premier contact. Il faut dire que le choix de notre quartier, au pif le plus total, n'a pour une fois pas porté ses fruits... C'est en effet plutôt glauque, loin de tout et assez éloigné de la représentation que je m'étais faite (sans aucune raison) de la ville.


La bandeja paisa, un plat typique de la région. Du haut de ses trois millions de calories, il faisait initialement office de repas unique aux paysans de la région n'ayant pas beaucoup de moyens mais ayant besoin de toutes cette énergie afin d'accomplir leurs longues et dures journées de labeur. Bref, parfait pour mon petit-déjeuner.


Les favelas de Medellin, qui ont drastiquement changées depuis la fin de l'ère Escobar. Des téléphériques ont été installés afin de les désenclaver, des services publics y ont été déployés. Une transformation radicale s'y est opéré en quelques années à peine, passant d'un des endroits les plus dangereux du monde à un quartier prospère et pacifié.


Favelas, vue intérieure. Étant à peu près les seuls gringos, on est un peu timide au début, avant de rapidement s'enthousiasmer de ce quartier plein de vie.


L'architecture de la ville est globalement une grosse réussite à mes yeux. Et le défi est de taille afin de faire face à la croissance démographique folle de Medellin, boosté par les afflux de capitaux étrangers investissant dans l'immobilier.

L'espace limité, la ville étant cernée par les montagnes, c'est en hauteur que cette dernière s'accroit. L'opposé de notre idéal occidental, où le pavillon privatif accompagné de son petit jardin pelousé règne en maître, induisant un étalement urbain sans limite au détriment des espaces naturels et agricoles.
Les avantages sont assez nombreux, notamment au niveau de la place au sol que cela libère pour y emménager des espaces des verts ou agricoles. Cela réduit également les distances, la majorité des services, du poissonnier à la boite de nuit en passant par le marché du coin, y sont accessible à pied. Point bonus pour les briques rouges donnant à la ville un petit air de Toulouse colombien.

L'un des nombreux espaces verts du centre


Non loin de Medellin, Guatapé et son fameux roc...


... et la vue que l'on peut y admirer un bon millier de marches plus tard





Le moins qu'on puisse dire, c'est que c'est coloré

Plus au sud, c'est dans le Parque Nacional de los Nevados que nous déciderons de brûler quelques calories supplémentaires. Au menu, un trek de 3 jours/2 nuits en altitude.


Parque Nacional de los Nevados, ligne de départ


Pas l'temps d'niaiser comme dirait l'autre, un pick-up nous montera directement à 4000m d'altitude, l'acclimatation c'est pour les faibles. Tout du moins c'est ce que je penserai les dix premières minutes, après lesquelles je ferai moins le malin, crachant la moitié mes poumons complètement essoufflé, ayant besoin d'une pause cardio tous les dix pas. C'est assez impressionnant et même un peu frustrant, l'impression d'avoir pris 30 ans dans la nuit et d'avoir perdu la majorité de mes capacités physiques. Le corps humain fera heureusement bien son travail et s'habituera progressivement à cet air raréfié en oxygène. Finalement, l'acclimation c'est cool !


Glaciar del Nevado


Notre hébergement de luxe pour notre première nuit. Au menu : températures nocturnes douces à près de 4500m d'altitude, isolation irréprochable, un douillet sol en béton sur lequel poser nos sacs de couchage... ou bien suis-je d'humeur ironique ?


La sensation de bout du monde est bien là, nous ne croiserons littéralement personne lors de nos 3 jours de marche, naviguant seuls au milieu de paysages magnifiques.


Une espèce de plante endémique au parc. Il y en a absolument partout !


Oui oui, nous sommes bien en t-shirt en train de crapahuter à près de 5500m. Pas à dire, la Colombie c'est caliente.


Notre deuxième nid douillet


La star locale


Ce cabanon-ci servira juste de prétexte à un pique-nique sur le pouce.


Drastique changement de végétation alors que nous redescendons dans la vallée.


Un peu de faune afin d'accompagner toute cette flore.


Puis faut bien rentabiliser le téléobjectif !


Deux colibris en pleine action, parade amoureuse ou combat acharné, je vous laisse décider.


Une fois ces trois semaines de vadrouille riches en découverte écoulées, nous déciderons avec Stéphane de redonner une chance à Medellin, prenant conscience d'avoir un peu survolé notre premier passage, aidés par le fait d'avoir rencontré deux autres français avec qui nous partagerons une colocation pendant près de 3 mois. Bien nous en prendra, ce deuxième séjour effacera bien vite la superficielle première mauvaise impression que j'avais eu de la ville !


Une illustration du concept de construction verticale mixé a une végétation dense que j'exposais plus tôt.


Ça donne un balcon faisant office de coin lecture fort reposant, malgré le fait d'être au centre d'une ville de près de 3 millions d'âmes.


Cet acte II latino-américain aura duré près d'un an et demi, il sera temps pour moi de retourner faire une escale dans mon pays natal. Mais l'acte III suivra un jour, j'en suis convaincu...

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